Dasha Plesen

Édito


« Nous sommes là où notre présence fait advenir le monde, nous sommes pleins d’allant et de simples projets, nous sommes vivants, nous campons sur les rives et parlons aux fantômes, et quelque chose dans l’air, les histoires qu’on raconte, nous rend tout à la fois modestes et invincibles. Car notre besoin d’installer quelque part sur la terre ce que l’on a rêvé ne connaît pas de fin. »
 


 

Ces mots de Mathieu Riboulet, nous les choisissons comme boussole de l’année qui commence.

 

On pointe du doigt une direction, on s’engage dans un chemin, en sachant que l’on ne sait pas, ou si peu. Et l’on va voir.

 

C’est l’invitation et les vœux que l’on vous souhaite. Aller voir.

 

On se dit que notre amour de la scène vient sans doute de là. De cette invisible marque de la présence vivante, de ce mystère que tout le monde reconnaît sans pour autant lui donner de nom, et qu’aucune image, captation ou photographie ne pourra jamais traduire.

 

C’est le pôle magnétique autour duquel gravite la Fabrique d’Arts.

Au Nouveau Gare au Théâtre, c’est le chemin qui nous in- téresse. Parce que le chemin nous ramène à une complexité proprement humaine, le chemin nous rappelle que nous ne sommes ni seuls, ni des machines, ni des statistiques ou des variables d’ajustement.

 

Pas de fausse naïveté. Nous savons parfaitement les horreurs de ce monde. Il y a bien un combat à mener. Mais pas en utilisant les armes dont se sert tout ce qui nous réduit, nous catégorise, nous diminue et appelle notre soumission. Non, il faut échapper à tout cela.`

 

Et œuvrer, avec patience et détermination, à créer des espaces-temps autres. Des espaces-temps dans lesquels d’autres mondes peuvent se déplier. Des mondes qui, finalement, échappent.

 

Nous devons échapper à quelque chose et, en y échappant, nous faisons advenir le monde. La promesse du théâtre est que nous allons le faire ensemble.

 

Que ce soit dans la complexité d’une création scénique préparée plusieurs années à l’avance et répétée durant de longs mois, ou lors d’une de nos scènes ouvertes, quand l’inconnu·e vient sur scène avec sa feuille à la main, ou encore dans l’ébullition d’un festival où des équipes qui ne se connaissaient pas tendent tout à coup vers un but commun, ce sont les mêmes mystères qui sont à l’œuvre. Les mêmes traces, communes, éphémères et poignantes, de l’énigme d’être au monde. Seuls et ensemble. C’est cela notre cap, notre direction. C’est cela que nous accompa- gnons et protégeons, au Nouveau Gare au Théâtre.

 

Nous écoutons ce qui était déjà là, mais qui était resté enfoui. Nous apprenons à voir, au travers du miroir que la scène nous tend. C’est la promesse que tout théâtre, que tout art devrait faire. Nous apprendre à voir.

 

La présence fait advenir le monde. Et le monde apparaît souvent sans prévenir.

 

Où peut-on encore parler aux fantômes ? Où peut-on tis- ser ensemble de nouveaux récits, qui seront à même de dire l’étendue de nos mondes, intimes et collectifs ? Avec humilité et conviction, nous répondons: ici, nous le pouvons.

 

En 2024, nous vous souhaitons de voir, d’entendre, et de partager avec nous, dans cette Fabrique d’Arts qu’est le Nouveau Gare au Théâtre.
Sur la façade des théâtres, des bâtiments publics, des écoles, on rêve de ces mots de Valère Novarina: «Allez annoncer partout que l’homme n’a pas encore été capturé».

 

La fabrique bruisse déjà. 

 

Diane Landrot & Yan Allegret